Ce beau jour d’automne, l’association de marche pertuisienne nous entraine dans une randonnée aux abords du Verdon. Après une course dans la montagne, nous revenons vers les voitures en longeant la rive sud du lac d’Esparron-sur-Verdon.

Là se trouvent les restes du canal du Verdon. Cet ouvrage d’art à flanc de colline a été construit dans les années 1866 à 1875, pour amener l’eau jusqu’à la fontaine de la Rotonde à Aix-en-Provence. Il irrigue au passage les villages environnants. Ce canal est aujourd’hui abandonné et ne constitue plus qu’un lieu de promenade entre le lac et la forêt.

Le Lac d’Esparron sur Verdon

C’est dans le lit asséché de ce canal, loin de toute route carrossable, que nous voyons une carcasse rouillée de voiture (photo en en-tête de cette chronique). Outre son emplacement, nous nous interrogeons sur son modèle et sa marque. La forme de la calandre fait supposer qu’il ne s’agit pas d’une marque française. Elle pourrait faire penser à une jeep, mais sans certitude.

Je demande leur avis au groupe de randonneurs financiers et cergypontains que j’ai laissé en Ile-De France. Je peux compter sur leur vaste expertise pour m’apporter la réponse.

Comme souvent c’est Serge E. qui nous livre les premiers éléments. Comme chaque année il fait une cure dans nos belles montagnes françaises. Entre deux soins thermaux, il prend le temps de nous proposer ses réflexions.

Il se livre d’abord à une analyse fine de la scène de crime.

Cette très ancienne carcasse est  probablement une traction avant avec un essieu à arrière rigide. Le silencieux du pot d’échappement ne semble pas d’origine. Les charognards se sont acharnés sur les parties molles (coussins, pneus),  ne laissant que le squelette.  L’emplacement d’un feu de position latéral sur l’aile avant gauche permet d’affirmer  que ce véhicule date du milieu des années 70.

Mais au milieu des années 70 la découverte d’un squelette tout aussi délabré a perturbé la  communauté scientifique.  Ce fossile  composé  de 52 fragments osseux a été trouvé en 1974, coïncidence troublante avec notre découverte.

Le squelette de Lucie

Ce fossile est daté de 3,18 millions d’années, et serait de l’espèce Australopithecus afarensis.  Il a été découvert par une équipe internationale sur le site de Hadar en Ethiopie.  Ces découvreurs lui ont donné le nom de Lucie en référence à une chanson des Beatles, ou Dinqnesh (merveilleuse) en amharique, langue parlée en Ethiopie. Ce squelette assez complet  a permis d’établir que la bipédie était apparue plus tôt que les anthropologues le pensaient et bien avant l’agrandissement de la boite crânienne des hominidés.

À ce stade une question doit être posée : était la voiture de Lucy qui reposait au fond du Verdon ? La coïncidence troublante des dates amène la question. Mais si Lucie a une voiture est-elle Lucien ? Déjà les spécialistes s’interrogent. Les découvreurs ont conclu qu’il s’agissait d’une femme du fait de son squelette gracile, mais la forme de son bassin et de son os pelvien ne permettent pas de trancher définitivement  sur le sexe. Si Lucie a une voiture et qu’elle est Lucien, serait-elle l’homme-fossile de Serge Reggiani et Pierre Tisserand, le porteur de cols durs et de bandag’s herniaires, qui habitait un pavillon de banlieue avant que tout ait sauté, ya  trois millions d’année ?

l’homme fossile : Serge Reggiani

Tout cela ne nous dit pas encore le modèle et la marque de la voiture.  Nous attendions la réponse de Michel B., notre spécialiste des engins roulants, ancien salarié d’un célèbre fabricant de voitures auto-mobiles et de moulins à café.

Moulin à café au Lion

Malheureusement il nous dit que l’état de la voiture ne permet pas d’avoir une certitude. Il pense à une DAF. Choix intéressant. La marque de camion néerlandaise a eu une branche voiture particulière de  1958 à 1976 avant de la vendre à Volvo. Nous serions toujours dans la même période historique. Mais alors Lucien serait-il un hollandais flottant pris dans l’inondation d’un polder par le Déluge ? La voiture aurait été ensuite emportée par le courant qui amena l’arche de Noé sur le mont Ararat. Elle aurait été déposée dans le Verdon, ce qui expliquerait l’état d’oxydation avancé. Le corps de l’occupant aurait été entrainé vers l’Afrique par les eaux qui recouvraient la Terre.

Ainsi la recherche de la marque de cette voiture nous a peut-être aidé à comprendre l’origine de l’homme et  les suites du déluge de Noé. Nous ne connaissons pourtant toujours pas cette marque.

Michel B propose encore quelques idées : la forme de l’habitacle fait penser à une Suzuki ; la forme de la calandre en « fanons de baleines » rappelle la jeep. Mais tout cela n’est pas totalement convaincant.  

Nous  faisons une dernière tentative en visitant une exposition de vieilles voitures à la Tour d’Aigues (Vaucluse). La nostalgie y trouve son compte. Il y a une Dauphine et une DS de chez Citroën, les voitures de mon papa. Mais rien qui ressemble à la carcasse du Verdon.

Merci à Serge E. et Michel B. de leur participation plus ou moins volontaire