Hier j’étais aux Champs Elysées. Pas ceux de Joe Dassin, mais ceux d’Arles, le mot Alyscamps étant la traduction provençale d’Elysées.

Il était presque 18 heures, le soleil tombait. Il éclairait les tombes et les grands doigts dressés des platanes.

Les romains avaient peurs des morts. Ils les incinéraient, leurs faisaient des offrandes, et les enterraient en dehors de la cité pour éviter qu’ils puissent revenir les hanter[1].

Les Alyscamps sont un des derniers cimetières romains conservé, avec les catacombes de Rome, ou la voie des tombeaux de Pompei. Dans la lumière rasante du soir, et le silence d’un lieu d’où les touristes étaient partis, on pouvait sentir la présence de tous ces morts. Ce fut un instant fugace où j’ai eu l’impression de vivre au milieu des anciens.

Aujourd’hui nous craignons les morts à nouveau. Nous les incinérons, broyons leurs os, dispersons leurs cendres, mais notre imaginaire est rempli de cadavre, de zombies, de morts-vivants, de Walking dead, de Resident Evil. A Halloween, les enfants, ces quasi-vivants, se déguisent en morts, eux-aussi des quasis vivants, en fantôme ou spectre venus nous hanter[2].

Je ne crains pas les morts. Je ne veux pas être incinéré. Je souhaite que mon corps finisse auprès de mes ancêtres, à peine couvert d’un linceul. Les microbes, les larves se nourriront de ma chair, prolongeant un peu plus le grand cycle de la nature.  


[1] Voir Peter Brown le culte des saints (édition du cerf 1981)

[2] Claude Levi-Strauss Nous sommes tous des cannibales (Seuil 2013)recueil d’article intégrant le père Noël supplicié d’où est extraite l’idée que les enfants et les morts sont apparentés